L’endothermie révélée chez les tégus

Les reptiles non aviens – injustement affublés du terme « animaux à sang froid » – sont des ectothermes : leur métabolisme ne peut pas produire lui-même de la chaleur, mais comme il en a besoin, parfois autant que celui des mammifères ou des oiseaux, il doit la puiser dans l’environnement… la facture d’électricité du terrariophile en est témoin ! En l’absence de sources de chaleur permettant d’élever leur température par rapport à la température de l’air, le corps d’un lézard est à la température ambiante.

Dans un article publié en janvier 2016 dans Sciences advances, Glenn J. Tattersall et ses collègues ont constaté que la température corporelle de Salvator merianae, un gros tégu fort bien connu des terrariophiles, peut être supérieure de 10°C par rapport à la température ambiante.

Le tégu d’Argentine est un gros Teiidae pouvant atteindre une moyenne d’un mètre (les gros mâle peuvent atteindre 1,40 m et 4,5 kg). En journée, il se thermorégule notamment grâce au soleil et cherche à obtenir une température corporelle de 32 à 35°C. La nuit, il se réfugie dans des terriers thermiquement stables. Vivant dans des régions où les hivers sont frais, il demeure en léthargie durant l’hiver, la saison de reproduction se déroulant au printemps, c’est-à-dire à partir de septembre car nous sommes dans l’hémisphère sud.

Comme beaucoup de reptiles hibernants, c’est durant cette période particulière que les cellules sexuelles se développent, les animaux sont ainsi prêts à se reproduire rapidement. En 2016, des chercheurs ont constaté que durant la période de reproduction, la température corporelle des tégus s’abritant la nuit dans leur terrier ne baisse pas comme elle devrait naturellement baisser et comme c’est le cas le reste de l’année. Pour savoir si ces lézards étaient capables de simplement conserver la chaleur accumulée en journée, ils en ont maintenu un groupe en captivité durant 8 jours dans des terrariums à température constante sans aucune source de chaleur les irradiant. Ils se sont aperçus que les tégus étaient capables d’augmenter leur température interne au-delà de la température ambiante, et ce durant toute la période d’expérimentation. Cela montre qu’ils ne conservent pas la chaleur accumulée, mais en produisent bel et bien. Le cycle d’éclairage jour/nuit fut conservé et les chercheurs observèrent une plus forte augmentation de la température corporelle en fin de journée et durant la nuit quand les animaux sont inactifs. Ceci balaie l’idée que l’activité musculaire des lézards cherchant par exemple de la nourriture, est la cause de l’élévation de leur température. Or, on sait que l’activité musculaire de certains reptiles, comme les pythons qui couvent leurs oeufs, permet de produire de la chaleur, transmise dans les cas des pythons, à leur ponte afin de la réchauffer.

Il s’agit donc bien d’une endothermie indépendante de l’activité dont les mécanismes restent à connaître, mais proche de celle des mammifères ou des oiseaux. L’intérêt pour les tégus mâles est de permettre la spermatogénèse, gourmande en énergie, indépendamment des températures hivernales ou printannières ; quant aux femelles, qui comme les pythons restent avec leurs oeufs durant l’incubation (Fitzgerald & al. 1991), cela permet de réguler la température des terriers dans lesquels les pontes sont déposées, et donc la température d’incubation. Nous, éleveurs, pourrions-nous donc laisser les œufs aux bons soins des femelles ?

En savoir plus :

G. J. Tattersall, C. A. C. Leite, C. E. Sanders, V. Cadena, D. V. Andrade, A. S. Abe, W. K. Milsom.  2016. Seasonal reproductive endothermy in tegu lizardsSci. Adv. 2, e1500951

Fitzgerald, L.A. & al. 1991. Tupinambis lizards in Argentina: Implementing management of a traditionally exploited resource. in Robinson, J. and K. Redford, eds. “Neotropical Wildlife: Use and Conservation”. University of Chicago Press, Chicago, USA. P. 303-316.

A lire également sur Animalia Presse : Observations sur la reproduction et le maintien en captivité des téjus d’Argentine – Bert et Hester Langerwerf Langerwerf, Agama International Inc.

Photo Une : Salvator merianae est une espèce de sauriens de la famille des Teiidae. En français, elle est nommée tégu noir et blanc, tégu d’Argentine ou tégu géant d’Argentine. Photo : hcast

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