Terrariophilie et véganisme

L’élevage d’animaux en captivité, qu’il soit d’agrément ou à des fins utiles (alimentation, expérimentation), est l’objet d’attaques de la part de différents groupes prétendant défendre la « cause animale ». Si les dérives de maltraitance envers les animaux sont condamnables, les arguments et les méthodes de ces « antispécistes* » fanatiques sont discutables, et souvent là aussi, tout autant condamnables.

Les végétariens adoptent une alimentation qui bannit toute consommation d’un animal mort, même si certains mangent du poisson (ce qui n’est pas très cohérent car le poisson est un être sensible comme les autres et la surpêche est une menace écologique majeure). Toutefois, les végétariens n’excluent pas l’exploitation des animaux, tant qu’on ne les tue pas : ils mangent des œufs, du lait, pour peu que poules et vaches aient une belle vie.

Les véganiens et antispécistes quant à eux, s’opposent à toute forme d’exploitation animale, même si l’animal reste en vie : ni œufs, ni lait, ni miel (car on exploite les abeilles), ni cuir ou laine (car provenant d’animaux « exploités »), ni zoos… certains vont également jusqu’à rejeter la détention d’animaux de compagnie. Pour eux, la captivité est une aberration. Le véganisme peut être un choix de vie qui n’engage que les véganiens. Mais pour certains, cet engagement personnel devient une idéologie politique destinée à s’imposer à tous. Certains arguments deviennent alors caricaturaux et outranciers. L’un des plus représentatifs est la comparaison entre l’élevage des animaux destinés à l’alimentation humaine et les camps de la mort de la Shoa. Faut-il leur répondre en rappelant qu’Adolf Hitler** était végétarien ? Non, car ça n’a rien à voir et ce serait tomber dans le même travers des arguments réducteurs, insultants et qui ne font en rien avancer le débat. Mais bien souvent, quand un débatteur est à court d’arguments, il utilise des références au nazisme, c’est la loi de Godwin : si sur les canons de Louis XIV il était écrit « le dernier argument des rois », la loi de Godwin est « le dernier argument des idiots ».

Véganisme et antispécisme extrémistes : un monde de contradictions

Cette idéologie, dans ses versions extrêmes, se heurte à des contradictions la rendant inapplicable comme fonctionnement de société en faisant croire par exemple que nous pouvons nous passer de mettre des animaux en captivité. Pourrions-nous vivre sans animaux de laboratoire ? Non ! Un végan qui souhaite se faire soigner pour un cancer ou une simple grippe va se retrouver face à un problème : les examens et traitements qui lui seront fournis ont été ou sont encore mis au point via l’expérimentation animale. S’il se conforme scrupuleusement à sa philosophie, il ne peut pas être soigné, et généraliser cette philosophie, c’est annihiler purement et simplement la médecine. Peut-être, un jour, la recherche médicale se passera de l’expérimentation animale : elle y travaille et des méthodes alternatives existent, mais elles ne remplacent pas encore l’expérimentation sur les rats, singes etc… Pour des générations encore, notre civilisation ne survivrait pas à un antispécisme total. Sans oublier les chiens guides d’aveugles ou ceux qui sauvent des vies lors des catastrophes naturelles… L’Homme a besoin des animaux. Il a évolué avec eux depuis des milliers d’années, au point que le contact avec des animaux domestiques joue même un rôle dans la maturation de notre système immunitaire et que la vie loin d’eux pourrait être une des causes de « l’épidémie » d’allergies.

De plus, l’antispécisme se base sur les avancées en matière d’éthologie et de recherche sur les capacités cognitives des animaux. Certes, depuis quelques décennies, la science s’est enfin aperçue que l’intelligence, la conscience de soi ne sont pas le propre de l’Homme. Beaucoup d’animaux disposent de ces facultés, et un très grand nombre est capable de souffrir physiquement mais aussi psychologiquement. Il ne faut cependant pas oublier que ces avancées scientifiques ont été faites en laboratoires, zoos et autres institutions étudiant des animaux captifs ; institutions dont certains militants de la « libération animale » font le siège et qu’ils veulent voir fermer. Les arguments scientifiques de l’antispécisme proviennent de leurs ennemis ! Même si une partie de l’éthologie se fait par l‘observation des animaux dans la nature, de nombreuses recherches ne peuvent pas se passer de l’expérimentation en milieu contrôlé : la captivité.

L’élevage d’agrément : un plaisir sadique ?

Notre société ne peut survivre sans exploiter l’animal à moins de condamner à mort les personnes atteintes de cancer, du diabète… Toutefois, nous pourrions vivre sans animaux de compagnie… comme on peut vivre sans musique, sans amour, sans plaisir ! Posséder des animaux de compagnie est parfois une passion, elle offre un bien-être à celui qui les possède ou à d’autres : la médiation ou la thérapie animale ont prouvé leurs bienfaits. Le problème est que cet agrément consiste à enfermer des animaux qui peuvent souffrir de cet enfermement. Gratter les cordes d’une guitare ne la fait pas souffrir, c’est un objet. L’amour… c’est une affaire !

La question qu’il faut avant tout se poser c’est : les animaux souffrent-ils de la captivité et surtout à quel degré ? Car le « malheur » et le « bonheur », en dehors de toute considération philosophique, se mesurent : l’un et l’autre sont des processus physiologiques qui ont un lien avec la production d’hormones elles-mêmes liées à l’environnement et au stress (sérotonine, cortisol). Par conséquent, si un animal – domestique ou non – est maintenu dans des conditions qui ne génèrent pas un stress au-dessus de la normale, rien ne permet de dire qu’il  est « malheureux » hormis en transposant nos valeurs d’humains sur les animaux, ou en ayant une vision naïve de la vie sauvage. Car, un animal souffre aussi en liberté dans la nature : stress d’être attaqué par un prédateur, maladies, blessures… La vie n’est pas un long fleuve tranquille, la souffrance en fait inexorablement partie et la liberté n’affranchit pas du stress. En terrarium, un animal est à l’abri des prédateurs, des maladies, il ne meurt pas de faim… Bref, la balance des avantages et inconvénients pourrait s’équilibrer, à condition bien sûr que les exigences pour son bien-être soient réunies. Reste à savoir quel est le niveau de stress normal d’une espèce dans la nature et dans quelles conditions celui-ci reste dans la normale ou se trouve aggravé en captivité ? C’est sur ces bases mesurables via des études scientifiques que le débat doit être mené car elles sont rationnelles, objectives, dépassionnées. Or pour les antispécistes, la captivité équivaut dans tous les cas à la souffrance. Il n’y a pas de débat là-dessus. Ils ne pointent que les dérives (affaires des abattoirs, maltraitance, pillage de la nature), jamais les faits positifs.

La continuation de l’opposition homme/nature.

Notre société est marquée par un vieux dogme totalement absurde : celui de penser que l’Homme et la nature sont deux choses opposées. Le préjugé anthropocentriste et spéciste classique, héritage de la religion (mais aussi de Descartes ou même du marxisme comme du capitalisme), place l’Homme comme un être supérieur et lui accorde tous les droits sur la nature qui a été créée à son service. L’Homme est le garant du bien qui doit maîtriser la nature sauvage, perçue comme le mal. Il se place en tuteur d’une nature qui ne sait pas ce qu’elle fait. Les problèmes environnementaux et l’extinction massive des espèces montrent les dégâts de cette philosophie. L’Homme n’est pas à part de la nature, il en fait partie, il doit la respecter et cohabiter avec elle. Les animaux sont des êtres sensibles et on ne peut pas faire n’importe quoi avec.



Tout en prétendant condamner l’anthropocentrisme ou le spécisme, certains antispécistes reprennent cette opposition entre la nature et l’humanité mais en l’inversant : ils opposent la bonté naturelle du sauvage à la perversion de la civilisation humaine. C’est un angélisme totalement en contradiction avec l’observation de la vie sauvage car la nature est souvent brutale : le cannibalisme, l’infanticide, le viol, l’inceste ne sont pas des tabous pour beaucoup d’espèces. N’oublions pas qu’il existe des fourmis esclavagistes, qu’un cerf mordu par un varan de Komodo va atrocement souffrir durant des jours avant d’être dévoré encore vivant, que l’orque si « humanisé » dans « sauvez Willy » est un prédateur sans pitié pour les pauvres phoques. Lisez un ouvrage sur le parasitisme et vous y verrez un monde de souffrance et de machiavélisme à faire passer Hannibal Lecter pour un bisounours ! Il ne s’agit évidemment pas de légitimer la « loi du plus fort », la violence envers les animaux ou les autres humains car l’Homme est un animal moral et l’altruisme comme la coopération sont des comportements intra ou interspécifiques courants dans la nature (animaux sociaux, éducation, mutualisme, symbioses). Malheureusement, chez certains militants de la « libération animale », c’est une haine de l’humanité qui transparait comme l’écrit l’éthnologue Jean-Pierre Digard : « Quand, enfin, il se nourrit de misanthropie et, sous des prétextes de défense des animaux, se met à attiser la haine contre et entre les hommes, alors « l’amour » des animaux devient un attribut de la barbarie, et les « entrepreneurs de morale » des entrepreneurs de la démoralisation. » Ainsi lorsque sur le site d’une association anti-expérimentation animale est publiée la tribune d’un scientifique (publiée à l’origine dans Le Point) qui montre que l’expérimentation animale n’est pas un plaisir sadique mais une nécessité, les commentaires de fanatiques haineux répondent : « on va utiliser tes enfants » ou encore « pourquoi ne prenez-vous pas des prisonniers pour faire de l’expérimentation ? ». L’association se défend en déclarant ne pas cautionner ces appels au meurtre, et pourtant les laisse sur son site, ne les modère pas : elle cautionne donc cette haine en laissant de « courageux anonymes » se faire porte-paroles d’une pensée inavouable en tant que « personne morale ».

Débattre et progresser

Il est clair qu’il nous faut avancer sur le front du bien-être animal et notre rapport à la nature. Notre société doit mieux respecter l’animal et la nature en général. La surconsommation de viande et l’élevage intensif sont sérieusement à remettre en question étant donné la souffrance, les dégâts écologiques et sanitaires qu’ils engendrent. Nous, éleveurs, devons améliorer les conditions de captivité de nos animaux en prenant en compte l’impact psychologique de nos pratiques d’élevage. Et si tout condamne la maltraitance, rien ne justifie pour autant une interdiction pure et simple de l’élevage d’animaux en captivité. Interdire, c’est la solution de facilité. Alors qu’analyser, éduquer, règlementer intelligemment demande beaucoup d’efforts et de travail, impose de ranger sa haine et de se conduire en démocrate. Ainsi, on remarque que comme dans d’autres combats idéologiques, certaines personnes ont une vision réductrice d’un phénomène (ne se focalisant par exemple que sur la consommation de viande, la corrida…) qui les empêche d’aborder la question dans sa globalité ou – tout comme pour la xénophobie, l’homophobie et autres machinchosephobies – par une ignorance totale du sujet, ne laissant que leurs émotions, leurs préjugés et leur haine s’exprimer.

Fort heureusement, tous les végans n’ont pas une vision aussi étroite et fanatique, ils sont ouverts au dialogue, conscients de la complexité d’une réalité. Evoluant personnellement dans le milieu naturaliste où il y a un certain nombre de véganiens (il y a même des « terrarios » végans !), en discutant de ma passion, en condamnant ses dérives tout en montrant son « bon côté », j’ai pu m’apercevoir que le dialogue et le respect mutuel sont possibles.

* L’antispécisme est un courant de pensée, qui a pris naissance dans les années 1970 et qui s’oppose à la ligne de démarcation qui existerait entre humains et animaux et défendu par le « spécisme » inhérent à l’Homme.

** : certains végétariens et végans disent que c’est un mythe, or cela a été confirmé en 2013 par la goûteuse du dictateur, Margot Woelk : Hitler ne mangeait ni viande, ni poisson.

Lisez pour vous cultiver, mobilisez-vous !

Pour comprendre le projet de Code Animal en ce qui nous concerne et en moins de deux minutes, écoutez cet audio.

Extrait de « PAROLE D’ANIMAUX », « Direct Citoyens reçoit Alexandra MORETTE ! » (Code Animal).
https://podcast.ausha.co/radio-parole-d-animaux-rss-podcasts/direct-citoyens-recoit-alexandra-morette

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Grégory
Grégory
27 novembre 2021 19 h 58 min

C’est en ecoutant la partie audio qu’on voit bien que la présidente de cette association d’extremiste n’y connais absolument rien. Bien sûr qu’on peut quantifier et savoir combien d’animaux sont vendu en France. La majeur partie des animaux sur la liste non domestique, font l’objet d’une réglementation très stricte et figure sur des registres d’entrées et sortie. Vraiment affligeant ce manque de connaissance. Laisser des gens comme ça proposer des lois et une aberration.

Jay Keyser
Jay Keyser
23 novembre 2021 20 h 57 min

Très bel article Vincent.
Une vision éclairée de la situation actuelle.