La mémoire dans la peau

La salamandre tachetée (Salamandra salamandra) Photo : Wolfgang

Chez les mammifères hibernants, l’hibernation a tendance à altérer la mémoire avec une perte parfois importante du nombre de synapses (50 à 65%). Après cet épisode de léthargie, certaines espèces ont du mal à reconnaître leur territoire ou leurs congénères.

L’équipe d’Anna Wilkinson, chercheuse à l’université de Lincoln (Royaume-Uni), et ses collègues de l’équipe de Vienne (Autriche) qui ont déjà publié plusieurs travaux en éthologie des reptiles et amphibiens, a montré que ce n’est pas le cas chez certains amphibiens comme la salamandre tachetée (Salamandra salamandra).

L’expérience a consisté à placer 12 salamandres devant un labyrinthe simple en forme de T avec deux chemins possibles dont un seul mène à la nourriture. Une fois les salamandres habituées à prendre le même chemin, les chercheurs ont séparé le groupe en deux : l’un hibernant durant 100 jours, l’autre non. Les sujets émergeant de l’hibernation se sont montrés tout aussi capables de retrouver le chemin mémorisé que ceux non soumis à l’hibernation. Les chercheurs ont bien pris garde à ce qu’aucun autre stimuli (l’odeur de la nourriture par exemple) ne vienne fausser l’étude en attirant les salamandres vers le bon chemin, et que c’est bien la mémorisation du chemin parcouru trois mois plus tôt qui les a guidées.

Cette étude montre que les amphibiens – animaux que l’on juge à tort comme primitifs et inférieurs – sont capables de mémorisation sur le long terme. Cette faculté de mémorisation peut s’expliquer par la différence de structure des zones cérébrales permettant la mémorisation chez les amphibiens par rapport à celle des mammifères. Cette différence permettrait aux amphibiens, pour qui l’hibernation n’est pas évitable, de mieux mémoriser les informations acquises avant l’hibernation et constituerait une adaptation nécessaire à leur survie en milieu tempéré. Mais cette capacité de mémorisation peut aussi trouver son explication dans la différence entre endothermie et ectothermie : chez les mammifères hibernants, même si la température corporelle baisse, elle reste encore assez élevée pour maintenir une activité enzymatique qui serait néfaste pour les neurones ; alors que chez les amphibiens, la température corporelle étant plus basse, cela préserverait mieux les cellules.

Source : Wilkinson A., A. Hloch, J. Mueller-Paul & L. Huber 2016. The effect of brumation on memory retention. Scientific reports 7. doi:10.1038/srep40079


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